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Réceptionnant un nouveau livre, nous l’ouvrons et le feuilletons rapidement avant de le lire vraiment, plus tard. Quand il est illustré, ce sont les pages où s’accroche notre regard, en première impression. Ici, l’expérience est un pur enchantement. Les peintures de Colette Reydet sont éblouissantes ! Couleurs, mouvement et une troublante sensualité qui soulève. Bravo ! Alors, on lit, sans plus tarder. Comme l’indique le titre, c’est un chant, avec ce que cela suppose de lyrisme et d’arabesques dans la musique des vers. Un « je » femme s’y adresse à un « tu » d’abord à l’imparfait comme une remémoration tout à la fois d’une enfance ingénue de l’amour « dans la douceur des mousses / nous faisions des serments », d’un Eden biblique « nous traversions / notre premier jardin », mais aussi d’une aube dorée de l’humanité « à genoux près du feu / nous regardions le vent » où le sentiment amoureux n’est pas seulement celui de la femme et de l’homme, mais celui de la terre entière, de la nature, des paysages et créatures qui les entourent, avec une sensualité tellurique « c’était le temps / d’avant nous-mêmes / la terre nous aimait / nous chevauchions / l’échine des ruisseaux ». Cette remémoration s’interromps brutalement au mitan du livre (comme on pouvait s’y attendre avec ces imparfaits, ver dans le fruit) d’un impératif présent « Attends ! / reste dans mon rêve / déjà le jour affleure » Du présent, on passera peu à peu au futur plus ou moins assuré, incantatoire, espéré pour que la fête continue : « je chante pour que tu m’embrasses » Mais si elle le fait, ce sera d’une autre manière. Le décor change « Dehors / on dresse des clôtures / aux futurs pâturages » et les images se font plus érotiques « je me déploie déroule / pour attraper / ton hameçon ton harpon » « j’ai hâte d’être à toi / de t’entourer de mes jambes / ma tenaille d’amour ». Cependant ce glissement vers une autre fête, plus intime, plus assumée, s’ombre de craintes, de doutes « avant que ma voix ne s’éteigne » « je brave les sécheresses / les incendies les broussailles en sursis ». C’est qu’il n’est pas facile de passer du Jardin d’Eden à la terre d’aujourd’hui (ou de l’enfance à la vie adulte). L’amour se cultive et a besoin d’eau, d’une source inépuisable. Il faut une confiance inébranlable, une volonté farouche, quelques stratagèmes « un jupon peut suffire/ pour qu’un homme me veuille » et, si tout va bien « j’oublierai de vieillir / entre tes bras ».

(Décharge n°187, 2020)

 

Tag(s) : #2020
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